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Tuto : Exécution financière des marchés publics

Publié le 11 août 2025

Cette article se concentre sur les aspects financiers des contrats publics une fois qu'ils ont été attribués et sont en phase d'exécution.

 

A. Avances : Conditions d'Octroi et Modalités de Versement

 

Une avance est un paiement effectué par l'acheteur public au titulaire du marché, représentant une partie du montant total du marché, avant que toute prestation n'ait été rendue ou tout travail exécuté. Elle constitue une dérogation au principe général du "service fait" (paiement après exécution de la prestation).

Les avances sont régies par les articles L2191-1 et suivants, R2191-1 et suivants, et R2391-1 et suivants du Code de la commande publique.

Les conditions d'octroi obligatoires d'une avance sont généralement les suivantes :

  • Le montant initial du marché est supérieur à 50 000 euros HT.

  • Le délai d'exécution est supérieur à deux mois.

  • Des taux minimaux spécifiques s'appliquent, favorisant particulièrement les PME :

    • 30% pour les PME/artisans.

    • 20% pour les marchés passés par l'État avec des PME.

    • 10% pour les marchés passés par certains établissements publics administratifs ou grandes collectivités territoriales avec des PME.

    • 5% pour les autres acheteurs.

Les acheteurs ont la possibilité d'accorder des avances facultatives même lorsque ce n'est pas légalement obligatoire. Ils peuvent également augmenter les taux minimaux. Le titulaire du marché a le droit de refuser l'avance, même si elle est obligatoire.

Le calcul du montant de l'avance est généralement compris entre 5% et 30% du montant initial TTC pour les marchés d'une durée inférieure ou égale à 12 mois. Pour les marchés de plus de 12 mois, il est calculé entre 5% et 30% d'une somme égale à douze fois le montant initial TTC du marché divisé par sa durée exprimée en mois. Pour les avances dépassant 30%, l'acheteur peut exiger une "garantie à première demande" , bien que cette exigence puisse être levée.

Le remboursement de l'avance s'effectue par précompte sur les sommes dues au titulaire (acomptes, règlements partiels définitifs ou solde). Le remboursement doit être achevé lorsque 80% des prestations ont été exécutées. Les

sous-traitants bénéficiant du paiement direct ont également droit à une avance, sur leur demande, si le titulaire principal y est éligible.

À titre d'exemple, une entreprise de services informatiques signe un marché public avec l'État pour une durée de 6 mois et un montant de 100 000 € HT. Étant donné que le montant est supérieur à 50 000 € HT et la durée supérieure à 2 mois, l'entreprise, si elle est une PME, aura droit à une avance minimale de 20% (soit 20 000 € HT) dès la notification du marché, sans attendre le début de l'exécution des prestations.

Le cadre détaillé et souvent obligatoire des avances, en particulier avec des taux majorés pour les PME , démontre un objectif politique clair de soutenir la trésorerie des entreprises et de faciliter leur accès aux marchés publics, notamment pour les acteurs économiques de petite taille. La récente simplification des conditions pour des avances plus élevées et la possibilité de renoncer aux garanties soulignent une approche gouvernementale proactive visant à injecter des liquidités dans l'économie et à réduire les obstacles financiers. Cela reflète un cadre juridique adaptatif, capable de répondre aux contextes économiques, comme en témoignent les règles spécifiques mises en place pendant la crise du COVID-19.

 

B. Actualisation et Révision des Prix : Mécanismes et Distinctions

 

Les contrats publics peuvent inclure des mécanismes d'ajustement des prix au fil du temps pour tenir compte des fluctuations économiques : l'actualisation et la révision.

  • Actualisation des Prix :

    • Objectif : L'actualisation vise à "réinitialiser" le prix ferme initialement fixé en un nouveau prix ferme, qui restera ensuite invariable. Elle compense un décalage temporel entre la date de fixation du prix dans l'offre et la date effective de début d'exécution des prestations.

    • Moment d'Application : Elle n'intervient qu'une seule fois. Elle s'applique si un délai supérieur à 3 mois s'est écoulé entre la date de fixation du prix dans l'offre par le candidat et la date de commencement d'exécution.

    • Type de Prix Concerné : L'actualisation s'applique uniquement aux prix fermes.

    • Base de Calcul : Elle utilise une formule basée sur des indices ou index. La formule est généralement : Prix actualisé = prix initial x (indices ou index à la date de début d'exécution des prestations – 3 mois) / (indices ou index de la date de fixation du prix dans l'offre).

    • Obligation Légale : L'actualisation est obligatoire pour les marchés de travaux et les marchés de fournitures et services autres que courants conclus à prix ferme (Article R. 2112-10 du Code de la commande publique).

    • Conséquence de l'Omission : L'omission d'une clause d'actualisation obligatoire constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, susceptible d'entraîner l'annulation de la procédure de passation.

    • Exemple : Une entreprise soumet une offre à prix ferme en janvier pour un marché de travaux. En raison de retards administratifs, le début des travaux est fixé en juillet (soit plus de 3 mois après). Le prix initial sera actualisé en fonction de l'évolution des indices de prix du bâtiment entre janvier et avril (3 mois avant juillet), et ce nouveau prix restera ferme pour toute la durée du marché.

  • Révision des Prix :

    • Objectif : La révision des prix vise à modifier le prix tout au long de l'exécution du contrat pour tenir compte des variations économiques. Elle a pour but de partager le risque des fluctuations économiques entre l'acheteur et le titulaire.

    • Moment d'Application : Elle est appliquée périodiquement (par exemple, mensuellement, trimestriellement, annuellement) tout au long de la durée du contrat.

    • Type de Prix Concerné : La révision s'applique aux prix révisables.

    • Base de Calcul : Elle est basée sur une référence (index, indice, barème du titulaire du marché ou liste de prix dite mercuriale de prix) ou une formule représentative de l'évolution du coût de la prestation, ou une combinaison des deux. Elle inclut souvent une partie fixe et une partie variable.

    • Obligation Légale : La révision est obligatoire pour les marchés où les parties sont exposées à des aléas économiques majeurs raisonnablement prévisibles en raison de l'évolution des prix (par exemple, achat de matières premières agricoles et alimentaires, énergie). Elle est fortement recommandée pour les marchés avec des matières premières volatiles.

    • Conséquence de l'Omission : L'absence d'une clause de révision obligatoire peut entraîner l'annulation de la procédure ou la responsabilité de l'acheteur.

    • Exemple : Un marché de fourniture de carburant sur deux ans. Le prix initial sera révisé chaque mois en fonction de l'évolution des cours du pétrole (indice officiel), permettant d'ajuster le prix payé par l'administration aux fluctuations du marché.

La distinction fondamentale entre l'actualisation et la révision des prix réside dans leur objectif et leur fréquence : l'actualisation est un ajustement ponctuel pour un décalage initial, tandis que la révision est un ajustement continu pour les changements économiques survenant pendant l'exécution du contrat. Les dispositions relatives aux prix (fermes ou révisables) et à leurs modalités d'ajustement sont prévues aux articles R. 2112-8 à R. 2112-14 du Code de la commande publique.

La coexistence et les règles d'application spécifiques des clauses d'actualisation et de révision révèlent un cadre juridique sophistiqué conçu pour gérer les risques financiers tant pour les acheteurs publics que pour les titulaires dans des environnements économiques dynamiques. Elles reconnaissent que la stabilité économique ne peut pas toujours être garantie sur la durée d'un contrat. En fournissant ces outils, le cadre légal vise à assurer la viabilité financière des contrats pour les entreprises (prévenant ainsi leur ruine due à des évolutions économiques imprévues) tout en protégeant les fonds publics contre des coûts excessifs, garantissant par là même la continuité et la qualité des services publics. L'obligation d'inclure ces clauses dans certains marchés souligne la position proactive du législateur face aux volatilités inhérentes du marché.

Tableau comparatif : Actualisation vs. Révision des Prix en Marchés Publics

Caractéristique Actualisation des Prix Révision des Prix
Objectif

"Réinitialiser" le prix ferme initialement fixé. Compenser un décalage entre la fixation du prix et le début d'exécution.

Modifier le prix tout au long de l'exécution du contrat. Compenser les variations économiques continues.

Moment d'application

Avant le début de l'exécution des prestations.

Pendant l'exécution du marché.

Fréquence

Une seule fois.

Périodique (mensuelle, trimestrielle, annuelle).

Type de prix concerné

Prix fermes.

Prix révisables.

Base de calcul

Formule basée sur des indices ou index (date début exécution - 3 mois / date fixation offre).

Référence (index, indice, mercuriale) ou formule représentative de l'évolution des coûts.

Obligation légale

Obligatoire pour les marchés de travaux et fournitures/services autres que courants à prix ferme.

Obligatoire pour les marchés exposés à des aléas majeurs (matières premières, énergie).

Référence Code de la Commande Publique

Articles R. 2112-8 à R. 2112-14.

Articles R. 2112-8 à R. 2112-14.

Conséquence de l'absence

Annulation de la procédure de passation si obligatoire.

Annulation de la procédure de passation si obligatoire.

 

C. Garanties Financières : La Garantie à Première Demande (GPD)

 

La Garantie à Première Demande (GPD) est une sûreté personnelle autonome par laquelle une banque ou un organisme financier s'engage à verser, dès la première demande, une somme d'argent déterminée en faveur du bénéficiaire, sans pouvoir opposer d'exception ou de contestation liée à l'exécution de l'obligation garantie par le contrat sous-jacent.

La GPD est utilisée dans les marchés publics pour sécuriser les réserves, les avances ou les soldes créditeurs dus à l'administration. Elle offre une sécurité complète à l'acheteur public car elle peut être facilement actionnée sans nécessiter de justification préalable.

Juridiquement, la GPD est régie par les articles R. 2191-36 à R. 2191-42 du Code de la commande publique. Les modèles de GPD sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie. Le titulaire du marché a la possibilité de substituer une GPD à la retenue de garantie. Elle est souvent exigée pour les avances dépassant 30% du montant du marché. Le montant de la GPD est constitué pour le montant total du marché, y compris les modifications en cours d'exécution, mais ne peut être supérieur à celui de la retenue de garantie qu'elle remplace.

À titre d'exemple, une collectivité territoriale accorde une avance de 40% du montant à une entreprise pour la construction d'un nouveau complexe sportif. Pour sécuriser cette avance, elle exige une garantie à première demande de la part de la banque de l'entreprise. Si l'entreprise ne respecte pas ses obligations, la collectivité peut simplement présenter la demande à la banque, qui est alors tenue de verser la somme garantie immédiatement, sans pouvoir invoquer le moindre litige sur l'exécution du contrat de construction.

La caractéristique "à première demande" de la GPD représente un mécanisme juridique puissant qui favorise l'acheteur public en lui assurant un accès immédiat aux fonds en cas de défaillance du titulaire. Cela minimise la charge administrative et le risque de litige pour l'entité publique. Cette approche reflète une priorité politique visant à sécuriser les fonds publics et à garantir la continuité des projets, même si cela peut potentiellement alourdir la charge pour les entreprises devant fournir des garanties aussi robustes. La récente possibilité de renoncer à cette garantie pour des avances plus élevées  montre une évolution politique visant à équilibrer la sécurité avec le soutien aux entreprises.

 

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