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Groupements momentanés d’entreprises (GME) : un levier pour les TPE/PME

Publié le 24 septembre 2025

Un groupement momentané d’entreprises (GME) est, comme son nom l’indique, une association temporaire de plusieurs sociétés dans le but de répondre ensemble à un appel d’offres. Il s’agit d’un accord ponctuel entre entreprises pour élaborer une offre commune, notamment pour un marché public, lorsqu’elles ne peuvent pas candidater seules du fait de la taille ou des exigences du projet (source) . En unissant leurs forces, ces entreprises partagent compétences et ressources afin d’être plus compétitives et d’accéder à des contrats qu’elles n’auraient pu obtenir individuellement. Ce montage est particulièrement encouragé dans la commande publique française pour aider les petites structures à conquérir de plus gros marchés.

Fonctionnement juridique et organisationnel

Le GME n’est pas une nouvelle entité juridique à part entière : il n’a pas de personnalité morale propre. Chaque entreprise demeure indépendante mais devient co-traitante du marché, c’est-à-dire partie prenante directe du contrat passé avec le client (par exemple une administration publique). Contrairement à la sous-traitance, tous les membres du GME sont contractuellement liés à l’acheteur et responsables vis-à-vis de lui pour l’exécution du marché.

Le groupement est temporaire : il est formé pour la durée du projet et prend fin une fois le marché réalisé. Son organisation est fixée par un accord de groupement écrit (convention interne) conseillé entre les partenaires, afin de définir les règles de fonctionnement, le rôle de chacun et les responsabilités respectives. Il est fortement recommandé de prévoir cet accord dès la candidature afin d’éviter toute ambiguïté ultérieure.

Chaque GME désigne un mandataire (ou chef de file) parmi les membres, qui sera l’interlocuteur unique du client. Le mandataire présente l’offre commune, signe le contrat au nom du groupement, coordonne les différentes entreprises pendant l’exécution et assure le suivi administratif et financier du marché (source : economie.gouv.fr). Ce mandataire peut être amené à engager sa responsabilité pour l’ensemble du groupement si une clause de solidarité l’y oblige. En pratique, une même entreprise ne peut être mandataire de plusieurs groupements sur un même marché, et chaque co-traitant s’engage à informer le mandataire de tout problème pour garantir le bon avancement des travaux.

D’un point de vue juridique, il existe plusieurs formes de GME reconnues par le Code de la commande publique. Les deux principales sont :

  • Groupement conjoint : chaque membre réalise et n’assume la responsabilité que pour la partie du marché qui lui est attribuée. Autrement dit, chacun est responsable à hauteur de sa prestation.

  • Groupement solidaire : chaque membre est responsable financièrement de l’intégralité du marché, quand bien même il n’en exécute qu’une partie. Si l’un d’eux fait défaut, les autres doivent garantir l’exécution totale du contrat.

Il existe également des formes hybrides, notamment le groupement conjoint avec mandataire solidaire, où chaque entreprise n’est responsable que de sa part tandis que le mandataire s’engage solidairement pour l’ensemble. Ce montage offre une sécurité supplémentaire à l’acheteur, et il est fréquent en pratique. Quel que soit le mode retenu, le pouvoir adjudicateur (client public) ne peut imposer la forme juridique du groupement au moment de la soumission de l’offre. En revanche, il peut exiger, une fois le marché attribué, que le groupement adopte une forme solidaire ou désigne un mandataire solidaire si cela est nécessaire pour la bonne exécution du contrat.

Avantages pour les TPE/PME

Intégrer un GME présente de nombreux avantages pour les petites et moyennes entreprises :

  • Accès à des marchés plus importants – En regroupant leurs capacités techniques, financières et humaines, plusieurs PME peuvent viser des appels d’offres d’une envergure qu’aucune n’aurait pu atteindre seule. Les références, effectifs, chiffres d’affaires et compétences de chaque membre s’additionnent, ce qui permet de franchir les seuils de qualification exigés sur de gros projets.

  • Complémentarité des compétences – Un GME permet d’associer des savoir-faire variés et spécifiques pour offrir une prestation globale plus riche. Par exemple, une entreprise générale peut s’associer avec un spécialiste pointu pour répondre ensemble à un cahier des charges complexe. Cette alliance d’expertises rend l’offre plus compétitive et attractive pour le client.

  • Partage des risques – Les risques juridiques et financiers liés au marché sont répartis entre les membres. Dans un groupement conjoint, chaque société n’assume que les risques de sa partie du contrat. Et même en cas de solidarité, la charge financière d’une éventuelle défaillance est mutualisée au lieu de peser sur une seule entreprise. Ainsi, le GME peut à la fois augmenter la capacité d’engagement et réduire l’exposition individuelle de chaque membre aux aléas du projet.

  • Mutualisation des ressources – En se regroupant, les entreprises peuvent partager les coûts et moyens nécessaires au projet. Qu’il s’agisse de moyens financiers (cautionnements, investissement matériel) ou de ressources humaines (mise à disposition de personnel), le GME facilite la répartition des charges. Par exemple, les frais de réponse à l’appel d’offres et de suivi du marché (déplacements, outils, assurances…) peuvent être ventilés entre co-traitants.

  • Gain d’expérience et de références – Participer à un projet d’envergure au sein d’un GME permet à de petites entreprises d’enrichir leur expérience. En s’associant à des partenaires plus aguerris, elles montent en compétence et apprennent de nouvelles méthodes. De plus, réaliser un marché pour un client public améliore la visibilité et les références de chaque société participante, renforçant sa crédibilité pour de futurs contrats.

En somme, le GME constitue un véritable levier de croissance pour les TPE/PME, en leur ouvrant les portes de contrats plus importants, tout en combinant leurs atouts respectifs.

Risques et limites

Malgré ses atouts, le groupement d’entreprises comporte également des risques et limites qu’il faut avoir en tête :

  • Risques juridiques : S’engager dans un GME implique une responsabilité légale partagée. Si le groupement est solidaire, chaque membre peut être tenu responsable de la totalité du marché, y compris des erreurs ou manquements d’un partenaire. Concrètement, en cas de défaillance de l’un, les autres doivent assumer ses obligations et achever les prestations prévues, éventuellement au même prix initial convenu. Cela peut entraîner des conséquences juridiques lourdes (pénalités de retard, litiges) pour les co-traitants restant.

  • Risques financiers : Le corollaire du point précédent est un risque financier accru, notamment dans les groupements solidaires. La défaillance d’un membre peut mettre en péril l’équilibre financier des autres, qui devront supporter les coûts supplémentaires pour mener le projet à terme. Il est donc indispensable d’évaluer la santé financière de chaque partenaire avant de s’engager et de prévoir des garanties (caution, assurance) pour limiter ce risque. Par ailleurs, la gestion financière globale du projet devient plus complexe : répartition des paiements, tenue d’une comptabilité commune, etc., ce qui peut générer des frais de suivi et une trésorerie plus tendue.

  • Risques organisationnels : Un GME exige une coordination étroite entre entreprises qui ont chacune leurs habitudes et leur culture. La gestion du projet à plusieurs peut s’avérer lourde administrativement, nécessitant des procédures claires pour la prise de décision, le suivi des tâches et la communication interne. Des divergences dans les méthodes de travail ou les intérêts peuvent émerger et provoquer des conflits au sein du groupement. Il faut être prêt à faire des compromis et à aligner les objectifs de chacun sur l’intérêt collectif. Par ailleurs, entrer en groupement signifie accepter une certaine perte d’autonomie : les décisions stratégiques se prennent à plusieurs, ce qui peut rallentir le processus et nécessiter une confiance mutuelle solide.

En résumé, le GME engage les entreprises dans une relation intérdependante. Pour que les avantages l’emportent sur les inconvénients, il est crucial d’anticiper ces risques et de mettre en place des modalités de fonctionnement rigoureuses.

Conseils pratiques pour se lancer

Pour les entrepreneurs qui envisagent de monter un GME, voici quelques conseils et bonnes pratiques :

  • Choisir les bons partenaires : La sélection des co-traitants est déterminante. Privilégiez des entreprises dont les compétences sont complémentaires aux vôtres et qui apportent une véritable valeur ajoutée au groupement. Assurez-vous également d’un bon feeling professionnel : partage de valeurs, vision compatible, réactivité similaire, etc.. Il est prudent de vérifier la solidité financière et la réputation de chaque partenaire pressenti, afin d’éviter les mauvaises surprises en cours de projet.

  • Définir un accord clair (convention) : Formalisez la collaboration dans un contrat de groupement écrit avant même de répondre à l’appel d’offres. Ce document interne doit prévoir en détail : l’objet et la durée du GME, le répartition des tâches entre les membres, les contributions de chacun (humaines, matérielles, financières), les modalités de prise de décision collective, ainsi que les mécanismes de résolution des litiges et les conditions de sortie d’un membre. Précisez également le rôle exact du mandataire et ses pouvoirs. Idéalement, faites relire cette convention par un avocat spécialisé pour sécuriser juridiquement l’ensemble. Un accord bien ficelé est la meilleure garantie contre les malentendus ultérieurs.

  • Clarifier les rôles et responsabilités : Dès le départ, attribuez à chaque entreprise une mission précise, en accord avec son cœur de métier, afin d’éviter les chevauchements ou les zones d’ombre. Désignez formellement le mandataire et détaillez ses responsabilités (pilotage global, interface avec le client, coordination des sous-traitants éventuels, gestion du planning et des documents, etc.). Cette clarification renforce l’efficacité du groupement et la confiance entre partenaires.

  • Instaurer une bonne communication : La clé de la réussite d’un GME réside dans la communication fluide entre les membres. Mettez en place des outils et rituels pour assurer une information continue : réunions de suivi régulières (physiques ou en visioconférence), partage de documents via une plateforme collaborative, points d’étape hebdomadaires, etc.. N’hésitez pas à nommer un référent communication dans chaque société, ou un chef de projet commun, pour centraliser les échanges. Une bonne coordination interne permet de déceler rapidement les dérives et d’y remédier avant qu’elles ne mettent en péril le projet.

  • Gérer les aspects financiers et administratifs : Convenez des modalités de facturation et de paiement dès le début. Par exemple, décidez si le mandataire percevra l’intégralité des paiements sur un compte commun puis les redistribuera aux membres, ou si chaque co-traitant sera payé directement par le client au prorata de sa prestation. L’ouverture d’un compte bancaire commun et la tenue d’une comptabilité spécifique au projet peuvent faciliter le suivi des dépenses et recettes. Sur le plan administratif, préparez-vous à fournir un dossier de candidature complet : un formulaire DC1 unique pour le groupement et un DC2 par entreprise (ou à l’alternative le Document Unique de Marché Européen – DUME) contenant les informations et attestations exigées. Assurez-vous que chaque membre est à jour de ses obligations (urssaf, impôts) et fournit l’attestation sur l’honneur requise. Anticipez également la question des assurances : vérifiez que chaque partenaire est bien assuré pour la part des travaux qu’il prendra en charge, et complétez si besoin par une assurance commune couvrant l’intégralité du projet.

En appliquant ces bonnes pratiques, vous mettez toutes les chances de votre côté pour que le groupement fonctionne harmonieusement et remporte le marché visé.

Exemples concrets de GME impliquant des TPE/PME

Il existe de nombreux cas où des petites entreprises ont su tirer parti d’un GME pour décrocher des marchés qu’elles n’auraient pas obtenus seules. Voici deux illustrations récentes :

  • Sécurité et surveillance – Un exemple marquant est celui de deux PME complémentaires du secteur de la sécurité qui se sont associées pour répondre ensemble à un important appel d’offres public dans le domaine de la surveillance. La première, spécialisée dans le gardiennage et la surveillance humaine, et la seconde, experte en systèmes de sécurité électronique (caméras, alarmes, contrôle d’accès), ont uni leurs compétences. Ce GME « sécurité globale » leur a permis de proposer au client une offre complète intégrant agents de sécurité et technologies de surveillance. Ensemble, elles ont pu convaincre l’acheteur de leur capacité à couvrir tous les aspects du marché et ont remporté le contrat, alors qu’aucune d’elles n’aurait pu y prétendre seule. Cette collaboration gagnante a été l’occasion pour ces PME de se positionner sur un marché de grande ampleur tout en élargissant leur offre de services.

  • Energies locales – Dans le secteur de l’énergie, un groupe incluant une ETI et plusieurs PME locales illustre bien les avantages du GME. L’entreprise mandataire (de taille intermédiaire) souhaitait répondre à un appel d’offres pour la gestion énergétique d’équipements publics dans une région où elle était peu implantée. En constituant un GME avec des TPE/PME locales, le consortium a pu mettre en avant la complémentarité de ses membres et une claire répartition des missions de chacun. D’après le témoignage du mandataire, ce choix du groupement a été décisif pour remporter le marché : le GME lui a apporté une présence de proximité sur le terrain et l’accès à de nouvelles compétences, tandis que les petites entreprises partenaires ont pu participer à un projet inaccessible pour elles seules ( source : economie.gouv.fr). Ce type de montage gagnant-gagnant illustre comment un GME bien construit permet à chacun de jouer sur ses forces : les PME profitent de la structure et de l’expérience d’un plus grand acteur, et ce dernier bénéficie de l’agilité et de la connaissance du terrain des plus petites.

Conclusion

Le groupement momentané d’entreprises se révèle être un outil puissant pour les entrepreneurs souhaitant voir plus grand. Il offre la possibilité aux TPE et PME de monter en puissance collectivement, d’accéder à des marchés autrefois hors de portée et d’enrichir leurs références. Toutefois, cette démarche ne s’improvise pas : la réussite d’un GME repose sur une préparation rigoureuse, le choix judicieux de partenaires de confiance, et une gouvernance claire du groupement. En évaluant soigneusement les risques et en mettant en place des garde-fous (accord contractuel solide, communication transparente, suivi financier strict), les entrepreneurs peuvent minimiser les écueils organisationnels ou juridiques.

En définitive, se lancer dans un GME est un investissement stratégique pour développer son entreprise. Avec une approche pédagogique et structurée, ce mode de collaboration ponctuelle peut devenir un véritable accélérateur de croissance, permettant aux petites structures de rivaliser avec de plus grands concurrents sur des projets d’envergure. Entrepreneurs, si un appel d’offres ambitieux vous fait de l’œil, n’hésitez pas à envisager le groupement : à plusieurs, on est souvent plus fort et plus innovant pour convaincre un client, pour peu que l’alliance soit préparée dans les règles de l’art.