Que faire en cas de retard de paiement ? Recours et outils disponibles
Malgré le cadre légal, un fournisseur peut être confronté à un paiement qui tarde au-delà du délai prévu. Plusieurs recours et dispositifs existent pour faire face à cette situation :
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Intérêts moratoires automatiques : Dès le 1er jour de retard, l’acheteur public est redevable d’intérêts moratoires au fournisseur. Le taux applicable est fixé par la loi : il correspond au taux directeur semestriel de la Banque centrale européenne, majoré de 8 points (sources : legifrance). Par exemple, si le taux BCE est de 4 %, le taux des intérêts moratoires sera de 12 % l’an. Ces intérêts compensatoires sont calculés sur le montant TTC dû et pour tous les jours de retard entiers. Concrètement, un retard de 10 jours sur une facture de 10 000 € générera environ 10 000 € × (taux annuel/365) × 10 jours d’intérêts. Ce mécanisme vise à indemniser le fournisseur du manque à gagner (et à inciter l’acheteur à ne pas payer en retard). Important : le droit à intérêts moratoires est automatique et ne nécessite pas de démarche contentieuse. L’acheteur public est censé les ajouter d’office au paiement, sans que le créancier ait besoin d’envoyer une relance ou une mise en demeure pour les réclamer. En pratique toutefois, il est recommandé de surveiller ce calcul : en cas d’oubli de l’acheteur, l’entreprise peut tout à fait rappeler ce droit dans ses échanges.
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Indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement : En plus des intérêts de retard, la loi prévoit le versement d’une indemnité fixe de 40 € au créancier, dès le premier jour de retard. Cette somme, prévue par l’article L.2192-13 du Code de la commande publique, est destinée à couvrir les coûts administratifs ou financiers que le fournisseur engage pour recouvrer sa créance (relances, suivi, etc.). Comme les intérêts moratoires, cette indemnité de 40 € est due automatiquement et s’ajoute systématiquement aux intérêts en cas de retard. Si le retard se prolonge beaucoup et occasionne des frais de recouvrement plus élevés, le fournisseur peut en outre demander une indemnisation complémentaire sur justificatifs, mais dans la plupart des cas la somme forfaitaire de 40 € suffit à couvrir les petites démarches.
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Relance amiable et mise en demeure : Dès qu’un retard est constaté (sans attendre qu’il devienne très important), il est conseillé de contacter l’acheteur pour un rappel cordial. Parfois, un simple oubli ou un problème de traitement peut être résolu par téléphone ou courriel. Rappelez poliment la référence de la facture, l’échéance légale dépassée et le montant dû. Si cette relance informelle reste sans effet, l’étape suivante est d’adresser une mise en demeure de payer par écrit (de préférence par lettre recommandée avec AR ou courriel avec accusé de réception). Dans ce courrier formel, mentionnez le marché concerné, la facture impayée, le montant des intérêts de retard déjà courus et l’indemnité de 40 € auxquels vous avez droit. Donnez un dernier délai raisonnable (par exemple 8 ou 15 jours) à l’acheteur pour s’exécuter. Souvent, cette démarche officielle suffit à débloquer la situation – les acheteurs publics sachant qu’un contentieux pourrait suivre.
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Médiation du crédit et des entreprises : En parallèle des relances, l’entreprise peut solliciter le Médiateur des entreprises (service dépendant du ministère de l’Économie) pour intervenir. Ce recours est gratuit et confidentiel, et vise à trouver une solution amiable rapide aux conflits de paiement. Le Médiateur des entreprises, ou son délégué régional, contactera l’acheteur public pour comprendre l’origine du blocage et faciliter un accord (calendrier de paiement, résolution d’un litige sur la facture, etc.). La médiation n’empêche pas de poursuivre une action en justice en parallèle, mais bien souvent la simple saisine du Médiateur suffit à accélérer les règlements, surtout avec des entités publiques de bonne foi. Astuce : le portail du médiateur permet de déposer un dossier en ligne en quelques minutes ; c’est un moyen efficace pour les TPE/PME d’être entendues par l’administration en cas de silence de leur interlocuteur.
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Recours contentieux (tribunal) : Si, malgré les intérêts moratoires et les relances, le paiement n’intervient toujours pas, le fournisseur a la possibilité d’engager une procédure auprès du tribunal administratif (compétent pour les litiges impliquant une personne publique). Le moyen le plus rapide est le référé-provision : c’est une procédure d’urgence qui permet de demander au juge, en quelques semaines, d’ordonner le versement d’une partie de la créance due (une provision) sans attendre la fin d’un long procès. Le juge des référés, saisi par le créancier, peut ainsi condamner l’acheteur public à payer immédiatement les sommes non contestées, augmentées des intérêts moratoires. Cette voie est pertinente si le retard est important et que l’acheteur ne donne aucune suite, car elle fait pression juridiquement tout en étant relativement rapide. En dernier ressort, si un vrai désaccord existe sur le bien-fondé de la créance (par exemple l’acheteur conteste la qualité du service rendu), il faudra engager une action au fond devant le tribunal administratif pour trancher le litige contractuel. Mais dans la majorité des cas de simples retards de paiement, on n’en arrive pas là : la perspective des intérêts moratoires et d’un contentieux suffit généralement à faire payer l’acheteur public, d’autant que les finances publiques souffrent aussi de devoir payer des pénalités élevées.
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Cession de créance (affacturage public) : Enfin, il existe un outil financier préventif pour atténuer l’impact des délais de paiement sur la trésorerie : la cession de créance (aussi appelée « Dailly » ou affacturage). Le Code de la commande publique permet au titulaire du marché de céder sa facture à un établissement de créditmarche-public.fr. Concrètement, cela signifie que vous pouvez faire financer votre facture dès son émission par une banque ou un factor, qui vous verse immédiatement le montant moins une petite commission, puis qui attend elle-même le paiement de l’acheteur public à 30, 50 ou 60 jours. La cession de créance s’effectue via un formulaire spécifique remis par l’acheteur (certificat de cessibilité sources : marche-public.fr). Une fois la cession notifiée, l’acheteur ne paiera plus que la banque à l’échéance. Ce mécanisme permet de transformer une créance client en trésorerie immédiate, évitant d’attendre le règlement administratif. De nombreuses PME l’utilisent notamment avec les hôpitaux ou les collectivités connues pour payer tard. C’est un moyen efficace de sécuriser son cash, moyennant un coût financier maîtrisé. À noter que depuis 2020, l’État a mis en place la plateforme publique CHORUS PRO qui facilite la transmission des factures électroniques et le suivi des cessions de créances en ligne.
En synthèse, le fournisseur dispose de droits et de leviers pour se protéger des retards de paiement publics : pénalités de retard automatiques, possibilité de relance appuyée, médiation gratuite, justice administrative réactive en référé, et outils de financement de ses factures. La clé est d’agir méthodiquement (suivre les échéances, relancer vite, officialiser si besoin) afin de préserver la trésorerie de l’entreprise.
Données récentes : des progrès, mais des retards qui persistent
Chaque année, l’Observatoire des délais de paiement publie un bilan chiffré dans le secteur public et privé. Les dernières données disponibles (rapport annuel 2024, publié en juillet 2025) permettent de dégager plusieurs tendances :
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Tendance générale : Après des améliorations entre 2020 et 2022, les délais de paiement ont marqué une pause en 2023, puis une légère dégradation en 2024. Fin 2024, le retard moyen tous secteurs confondus atteignait 13,6 jours (contre ~12,6 un an plus tôt), repassant au-dessus de la moyenne européenne (sources : publicsenat.fr). Cette détérioration touche notamment les plus petites entreprises, fragilisées par l’inflation et le contexte économique. En parallèle, la part des grands retards (dépassant de plus de 30 jours l’échéance) augmente : elle concerne plus de 9 % des entreprises françaises en 2024. Autrement dit, près d’une entreprise sur dix a subi des retards très importants sur au moins une facture. Ces chiffres, qui incluent public et privé, montrent que le problème des retards de paiement reste d’actualité.
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Sphère publique : amélioration côté État et collectivités. Dans la dépense publique, on observe plutôt des progrès récents. L’État, on l’a vu, règle l’essentiel de ses factures très en-deçà des 30 jours légaux (14,2 jours de moyenne). En 2024, 89,3 % des paiements de l’État sont effectués dans le délai réglementaire, une proportion en hausse par rapport aux années antérieures (source : banque-france.fr). Les ministères ont donc globalement atteint l’objectif de paiement à l’heure. Du côté des collectivités locales, l’année 2024 marque aussi une amélioration modérée : le délai moyen est passé de 20,9 à 19,7 jours comme mentionné plus haut. Ainsi, la plupart des collectivités respectent désormais le plafond de 30 jours ; toutefois 16,2 % des montants payés en 2024 par les collectivités ont quand même dépassé le délai légal. Cela signifie qu’environ une facture publique locale sur six est payée en retard, souvent par de plus grandes collectivités. On constate ainsi une réduction des retards “modérés”, mais il reste quelques retards importants localisés (certaines grandes villes ou entités locales accumulent encore des paiements très tardifs, ce qui tire la moyenne vers le haut).
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Sphère publique : difficultés persistantes dans le secteur hospitalier. L’exception notable concerne les établissements publics de santé. L’Observatoire 2024 souligne une dégradation des délais dans les hôpitaux : le délai moyen de paiement y a grimpé à 63,4 jours, franchissant donc largement le seuil des 50 jours autorisés. En 2023 déjà, les hôpitaux affichaient des retards et 2024 confirme une tendance préoccupante. Dans certains CHU ou hôpitaux structurants, les problèmes de trésorerie et de processus interne engendrent des délais très élevés. La situation est jugée critique outre-mer, où les centres hospitaliers cumulent historiquement des dettes fournisseurs : on y relevait plus de 121 jours de délai moyen en 2024. Ces retards massifs, parfois proches de la cessation de paiement, font l’objet de plans d’aide spécifiques de l’État (par exemple, des apports de trésorerie exceptionnels pour apurer les factures les plus anciennes). Malgré tout, pour les entreprises locales qui dépendent de ces clients hospitaliers, l’attente de règlement peut être extrêmement longue et dangereuse sans mesures d’accompagnement.
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Comparaison public/privé : Il ressort du rapport que les acteurs publics, dans l’ensemble, payaient un peu plus vite que les acteurs privés en 2024. En effet, dans le secteur privé, le délai moyen fournisseur s’établit autour de 51 jours (stable entre 2022 et 2023) ce qui est plus élevé que les moyennes observées pour l’État et les collectivités. Les grandes entreprises privées restent les plus mauvaises élèves avec des retards moyens de 18 jours au-delà des échéances convenues. À l’inverse, la plupart des entités publiques (hors hôpitaux) parviennent à payer dans des délais plus courts que la limite imposée. Cela s’explique par le cadre réglementaire strict, le contrôle de la DGFiP (Direction générale des finances publiques) sur la chaîne des paiements publics, et la transparence accrue sur les performances (voir ci-dessous). Autrement dit, la commande publique a plutôt tiré les délais vers le bas ces dernières années, là où les transactions inter-entreprises restent souvent à 60 jours. Bien sûr, cela n’enlève rien aux difficultés rencontrées sur les cas problématiques (hôpitaux, certains organismes publics en tension).
Réformes et actualités : vers plus de transparence et de sévérité
La question des délais de paiement des acheteurs publics fait l’objet d’une attention continue des pouvoirs publics, avec plusieurs mesures récentes et débats en cours :
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Transparence des collectivités locales : Depuis la loi du 7 octobre 2016 (complétée par la loi Pacte du 22 mai 2019), les collectivités territoriales ont l’obligation de publier leurs délais de paiement chaque année (source : data.economie.gouv.fr). Concrètement, cela signifie que toute entreprise peut consulter les données de délai global de paiement de sa mairie, de son département ou de sa région. Ces informations sont rendues publiques, notamment via le portail des données ouvertes du ministère des Finances (data.economie.gouv.fr). Par exemple, le ministère a publié le fichier des délais de paiement 2023 de chaque collectivité, offrant un véritable benchmark de la ponctualité de chacune. Cette transparence exerce une pression vertueuse : les élus locaux tiennent à éviter de figurer parmi les mauvais payeurs notoires. En 2024, la presse spécialisée soulignait les progrès réalisés par les collectivités, tout en pointant du doigt celles dont les résultats restaient insuffisantsl. Il est désormais possible pour une entreprise d’anticiper le comportement de paiement d’une collectivité avant de contracter avec elle, en se basant sur ces statistiques publiées.
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Généralisation de la facture électronique : L’État a progressivement imposé la facturation électronique via la plateforme Chorus Pro pour tous les fournisseurs de la sphère publique. Depuis 2020, toutes les entreprises – y compris les TPE – doivent émettre leurs factures sous format électronique à destination des clients publics. Cette dématérialisation complète présente plusieurs avantages : date certaine de réception de la facture (horodatage), suivi en ligne de l’état de traitement (acceptée, mise en paiement…), réduction des risques de perte ou d’oubli des factures papier, etc. Pour les acheteurs, elle facilite la gestion et le pilotage des échéances. L’Observatoire des délais de paiement espère d’ailleurs que la généralisation de la e-facturation contribuera à éliminer certains retards liés à des factures transmises tardivement ou mal adressées. Dans la pratique, Chorus Pro a permis à l’État de traiter très rapidement les factures (comme vu précédemment). À l’avenir, la France prévoit aussi d’étendre la facturation électronique aux transactions inter-entreprises privées (à partir de 2024-2026), ce qui devrait, par ricochet, inculquer une culture du paiement plus rapide y compris chez les acheteurs publics qui travaillent aussi avec des fournisseurs privés.
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Renforcement des sanctions contre les retards : Face à la remontée des retards de paiement en 2023-2024, le gouvernement a annoncé vouloir durcir les sanctions envers les mauvais payeurs. Historiquement, la DGCCRF (Répression des fraudes) peut infliger des amendes administratives aux entreprises privées ne respectant pas les délais légaux (avec des montants pouvant aller jusqu’à 75 000 € pour une personne morale, doublés en cas de récidive). En 2023, 346 entreprises ont ainsi écopé d’amendes pour un total de 58 millions d’euros. Désormais, Bercy envisage d’augmenter le plafond des amendes, possiblement jusqu’à 1% du chiffre d’affaires mondial du contrevenant. Cette mesure, si elle est adoptée, serait très dissuasive surtout pour les grands groupes. Bien que ces sanctions visent d’abord les retards entre entreprises, les pouvoirs publics donnent ainsi un signal général de tolérance zéro vis-à-vis des paiements tardifs. Par ailleurs, la Banque de France a annoncé prendre en compte le comportement de paiement dans l’évaluation de la cotation des entreprises : un grand groupe coutumier des retards pourrait voir sa note de crédit dégradée. Pour les acheteurs publics, il n’existe pas d’amende comparable, mais la pression politique et médiatique joue un rôle (un ministère ou une grande ville mis en cause publiquement pour ses retards devra rendre des comptes). En résumé, le climat se durcit contre les retards de paiement, ce qui profite indirectement aux PME fournisseurs.
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Initiatives législatives en cours : Le Parlement s’est également saisi du sujet. Au Sénat, la Délégation aux entreprises travaille sur une proposition de loi spécifique visant à combattre les retards de paiement (source : publicsenat.fr). Ce texte, attendu à l’automne 2025, pourrait comporter plusieurs volets : augmentation des sanctions, mécanismes de suivi renforcé, protection des sous-traitants, etc. Les sénateurs ont notamment souligné la nécessité d’agir sur les retards de paiement de l’État et des collectivités locales (en particulier en Outre-mer où la situation est alarmante). De son côté, l’exécutif a organisé les Assises des délais de paiement en 2023 et 2024, réunissant entreprises, médiateurs et administrations pour faire le point sur les pratiques et identifier des solutions. Parmi les pistes évoquées figurent la réduction du délai légal dans certains secteurs, la création d’un référent « délais de paiement » dans chaque grande entité publique, ou encore la valorisation des acheteurs publics exemplaires via un label. Si ces idées restent à l’étude, elles traduisent une volonté commune d’améliorer la culture du paiement rapide dans la commande publique.
En conclusion, les délais de paiement des acheteurs publics en France sont encadrés par un arsenal législatif solide (30 jours en principe) et des mécanismes protecteurs pour les entreprises. Les écarts persistent surtout dans certains organismes sous contrainte financière (hôpitaux, etc.), mais l’État et les collectivités ont globalement montré l’exemple ces dernières années en payant de plus en plus rapidement. Pour les entreprises, et en particulier les PME, il est crucial de connaître leurs droits (intérêts moratoires, indemnités) et d’utiliser les outils à disposition (relances, médiation, référé, affacturage) afin de sécuriser leur trésorerie face aux décalages de paiement. La tendance actuelle va vers davantage de transparence et de fermeté pour décourager les retards : un signal positif pour toutes les entreprises fournisseurs de la commande publique. En étant bien informées et réactives, elles pourront aborder les marchés publics avec sérénité, et même y trouver un atout de stabilité de paiement par rapport à certains clients privés.
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