Lorsqu’une entreprise débute dans la réponse aux appels d’offres publics, elle est rapidement confrontée à plusieurs documents financiers clés dans le dossier de consultation. Parmi eux figurent le BPU (Bordereau des Prix Unitaires), le DQE (Détail Quantitatif Estimatif) et la DPGF (Décomposition du Prix Global et Forfaitaire). Ces pièces, liées au chiffrage de l’offre, ont chacune un rôle spécifique et s’utilisent selon le type de marché (accord-cadre à bons de commande, marché forfaitaire, marché mixte, etc.). Il est donc crucial de bien saisir leurs différences, leurs usages respectifs et les précautions à prendre lors de leur élaboration.
Contexte général : prix unitaires vs prix forfaitaires
Le Code de la commande publique distingue deux formes de prix pour les marchés publics : les prix unitaires et les prix forfaitaires. En pratique, un marché peut combiner ces deux formes (on parle de marché mixte lorsqu’une partie est à prix forfaitaire et une partie à prix unitaires). Suivant la forme de prix retenue par l’acheteur, le dossier de consultation des entreprises (DCE) comprendra soit un ensemble BPU + DQE (pour un marché à prix unitaires), soit une DPGF (pour un marché à prix global et forfaitaire), ou même les trois si le marché est mixte.
Le BPU : Bordereau des Prix Unitaires
Définition et contenu : Le BPU est la liste détaillée des prix unitaires de chaque prestation ou produit prévu par le cahier des charges (CCTP). Concrètement, il se présente généralement sous forme de tableau, où chaque ligne correspond à un poste (un item de travaux, fourniture ou service) avec son intitulé, son unité de mesure (par exemple m², heure, kilogramme, etc.) et le prix unitaire hors taxes proposé par l’entreprise pour cette unité. Important : le BPU ne mentionne pas les quantités totales à exécuter pour chaque prestation – il ne fixe que le coût unitaire. C’est donc un document de prix sec par item. Par exemple, un BPU pour des travaux de revêtement pourra indiquer un prix de 20 € par mètre carré de carrelage, sans préciser combien de mètres carrés seront posés au total
Utilité et cadre d’utilisation : Le BPU est la pièce maîtresse des marchés à prix unitaires, notamment les marchés à bons de commande ou accords-cadres sans quantité fixe. Il sert de base contractuelle à la facturation. Le montant payé au titulaire dépendra des quantités réellement exécutées multipliées par ces prix unitaires. Ce document est systématiquement fourni dans le DCE pour les marchés de ce type et, une fois rempli par le candidat, il fait partie de l’offre financière soumise et deviendra une pièce contractuelle du marché.
Bonnes pratiques et risques (BPU) : Chaque poste listé dans le CCTP doit être chiffré. L’absence de prix sur un poste obligatoire rend l’offre irrégulière. Il faut donc n’omettre aucune ligne et utiliser l’unité de mesure demandée. Attention à la cohérence avec le DQE : les prix unitaires du BPU doivent correspondre exactement à ceux reportés dans le DQE. En cas de divergence, c’est le BPU qui fait foi. Une erreur fréquente est de sous-évaluer un prix unitaire en se fondant sur une quantité estimée faible alors que la quantité effective pourrait s’avérer bien plus élevée.
Le DQE : Détail Quantitatif Estimatif
Définition et objectif : Le DQE est un document de simulation destiné à comparer les offres financières dans les marchés à prix unitaires. Il prend la forme d’un tableau qui complète le BPU en y ajoutant, pour chaque prestation, une quantité prévisionnelle estimée par l’acheteur et le montant total obtenu pour cette ligne (prix unitaire × quantité). Le montant total du DQE représente une estimation du coût global de l’offre pour la prestation, utilisée uniquement pour l’analyse comparative. Il est généralement non contractuel.
Cadre d’utilisation : On retrouve le DQE dans les procédures à prix unitaire, typiquement lorsque les quantités définitives ne sont pas connues à l’avance. Le DQE permet alors à chaque soumissionnaire de présenter une offre chiffrée sur une même base de comparaison. L’acheteur va comparer les DQE de tous les candidats en appliquant les mêmes quantités estimées.
Bonnes pratiques et écueils (DQE) : Les prix unitaires reportés dans le DQE doivent strictement reprendre ceux du BPU. Il ne faut jamais modifier les quantités estimatives fournies par l’acheteur. Le DQE doit être traité avec autant de rigueur que les pièces contractuelles.
Exemple simplifié : Supposons un marché de travaux où le BPU du candidat indique un prix unitaire de 50 € HT/m³ pour du terrassement. Si l’acheteur estime qu’environ 500 m³ de terre devront être excavés, le DQE comportera une ligne Terrassement avec Quantité estimée = 500 m³. Le montant total estimé pour ce poste sera alors 50 € × 500 = 25 000 €. Le BPU, lui, se limite à “Terrassement – 50 €/m³” sans quantité. Dans cet exemple, seul le prix unitaire de 50 €/m³ est contractuel, via le BPU signé, tandis que la quantité 500 m³ du DQE n’a pas de valeur contractuelle (le volume réel à réaliser pourra varier). Ainsi, si finalement 550 m³ sont exécutés, le titulaire sera payé 550 × 50 € = 27 500 € (et inversement si seulement 450 m³ sont nécessaires, le paiement sera moindre), sans que cela constitue une modification du contrat puisqu’on est dans le cadre du bordereau de prix unitaires.
La DPGF : Décomposition du Prix Global et Forfaitaire
Définition et contenu : La DPGF est le document qui détaille un prix forfaitaire global en une série de postes et sous-postes avec leur valorisation. En d’autres termes, c’est la ventilation du montant global forfaitaire de l’offre, poste par poste. Chaque ligne décrit une partie des prestations (généralement en suivant la structure du projet ou du CCTP) et indique le prix forfaitaire partiel attribué à cette partie. La somme de toutes les lignes de la DPGF doit égaler le prix global offert par l’entreprise pour réaliser l’ensemble du marché. Par exemple, dans un marché forfaitaire de construction de bâtiment d’un montant total de 200 000 €, la DPGF pourra se décomposer ainsi (exemple fictif) : Préparation et installation de chantier : 10 000 € ; Terrassements : 30 000 € ; Gros œuvre : 100 000 € ; Second œuvre et finitions : 60 000 € ; Total = 200 000 €. Chaque candidat peut avoir une répartition différente, l’essentiel pour l’acheteur étant de voir comment le prix se structure et de s’assurer qu’aucun élément n’est oublié ou sous-évalué.
Utilité et contexte d’emploi : La DPGF est utilisée dans les marchés à prix forfaitaire, où le titulaire s’engage sur un montant global fixe pour accomplir l’intégralité des prestations. Le fait de décomposer le forfait permet à l’acheteur d’analyser l’offre en détail et d’avoir une base pour le suivi du marché.
Enjeux et bonnes pratiques (DPGF) : La DPGF doit être exhaustive et cohérente avec le CCTP. Toutes les prestations doivent y figurer. Il est essentiel de vérifier que la somme des lignes correspond exactement au montant annoncé dans l’acte d’engagement. Une DPGF confuse ou incohérente peut être éliminatoire.
Autres documents financiers liés au prix dans l’offre
Outre BPU, DQE et DPGF, plusieurs autres pièces peuvent intervenir dans la présentation du prix dans l’offre, selon les cas :
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L’Acte d’Engagement (ATTRI1) : C’est le document contractuel principal par lequel le candidat s’engage à exécuter les prestations au prix annoncé. Il fait partie de l’offre et sera signé par l’acheteur et le titulaire. L’acte d’engagement mentionne généralement le montant total de l’offre (en euros HT et TTC), soit sous forme d’un forfait global, soit, pour les marchés à bons de commande, sous forme de montant estimé ou maximum prévu. Il récapitule aussi les éventuelles options retenues, délais, etc., et référence en annexe le détail des prix. Selon les recommandations de l’État, il convient d’utiliser le formulaire ATTRI1 standard, qui remplace les anciens formulaires DC3/DC8 et prévoit la saisie du prix global de l’offre ou de sa structure détaillée. L’acte d’engagement peut avoir en pièce jointe la DPGF ou le BPU/DQE complété. Pour l’entreprise, bien remplir et signer l’acte d’engagement est évidemment fondamental : une signature manquante ou un montant oublié dessus rend l’offre irrecevable. C’est ce document qui, une fois contresigné par le pouvoir adjudicateur, vaudra notification du marché.
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Le CCP/CCAP et le règlement de consultation (RC) : Ce ne sont pas des documents à fournir par l’entreprise, mais il faut les mentionner car ils encadrent la présentation du prix. Le RC indique quelles pièces financières doivent figurer dans l’offre et dans quel format. Il précise souvent la règle en cas de contradiction entre pièces (par exemple « en cas de différence entre le total du DQE et l’acte d’engagement, c’est le montant de l’acte d’engagement qui prime » ou « les prix unitaires du BPU prévaudront sur le DQE »). Le CCAP (cahier des clauses administratives particulières) et le CCTP (cahier des clauses techniques) peuvent également contenir des informations sur le prix : mode de règlement, possibilité de commandes complémentaires, clauses de révision de prix, etc., qui ont un impact sur l’importance de bien chiffrer. Par exemple, un CCAP peut stipuler que les prix de la DPGF serviront pour valoriser des modifications dans certaines limites – d’où l’importance d’y jeter un œil attentif pour éviter les mauvaises surprises.
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Autres pièces éventuelles : Dans certains appels d’offres, surtout complexes, l’acheteur peut demander un sous-détail des prix (par exemple, la décomposition d’un prix unitaire en coût de main d’œuvre, fourniture, frais, marge). C’est fréquent pour comprendre un poste coûteux ou vérifier qu’il n’y a pas d’offre anormalement basse. Ce sous-détail, quand il est exigé, doit être fourni en plus du BPU/DPGF. D’autres pièces financières peuvent inclure un cadre de réponse financier prédéfini, un scénario de commande (variante du DQE), ou encore dans les marchés de partenariat, un plan de financement. Ces documents restent cependant moins courants pour des entreprises débutantes sur des marchés classiques.
Conseils clés pour bien maîtriser ces documents
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Pour conclure, voici une synthèse des bonnes pratiques et points de vigilance à retenir concernant le BPU, le DQE et la DPGF :
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Respecter scrupuleusement les formulaires fournis : Utilisez les cadres de BPU, DQE, DPGF donnés dans le DCE sans les altérer (colonnes, intitulés, unités). Remplissez toutes les cellules requises. En cas de doute sur la manière de remplir, poser une question à l’acheteur pendant la phase de questions/réponses de la consultation est judicieux.
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Cohérence et exactitude : Veillez à la cohérence interne de votre offre financière. Toutes les pièces doivent raconter la même histoire en chiffres. Vérifiez plusieurs fois l’addition des montants, la correspondance des prix unitaires, et l’égalité entre le total du DQE/DPGF et le montant de l’acte d’engagement. N’hésitez pas à faire relire les tableaux par un collègue pour détecter une éventuelle erreur passée inaperçue.
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Ne pas sous-estimer l’impact des erreurs : Une offre irrégulière (par exemple, DPGF incomplète, DQE modifié, BPU non conforme) est en principe éliminée d’office (Article L.2152-2 du Code). La régularisation d’une offre n’est possible que dans certains cas limités et à la discrétion de l’acheteur. Vous ne pouvez pas compter sur le fait qu’il vous laissera corriger après coup. Il vaut donc mieux passer du temps à contrôler son chiffrage en amont que de risquer l’élimination pour une simple case vide ou une incohérence évitable.
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Anticiper les écarts de quantités : Dans un marché à bons de commande, l’estimation du DQE peut être trompeuse. Analysez les minimums/maximums du marché (s’il y en a) pour imaginer le pire cas. Par exemple, si un poste a une quantité estimée faible au DQE mais que le maximum du marché est très élevé, assumez que l’acheteur pourrait potentiellement commander davantage sur ce poste. Construisez votre offre pour qu’elle reste viable même en cas d’évolution du volume des prestations, et éventuellement explicitez en annexe toute hypothèse si cela vous semble utile (sans modifier les documents officiels toutefois).
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Soigner la présentation et le côté pédagogique : Même s’il s’agit de documents techniques chiffrés, leur clarté compte. Des intitulés de prestations précis, des unités cohérentes, une DPGF structurée de façon logique aideront l’acheteur à comprendre votre offre et à la juger positivement. Une DPGF confuse ou un BPU comportant des abréviations obscures peuvent semer le doute. N’hésitez pas à ajouter, si le RC le permet, un mémo explicatif des choix de décomposition (par ex. justifier brièvement dans le mémoire technique la répartition de la DPGF, ou la composition d’un prix unitaire complexe). Cela rassure sur le sérieux de votre chiffrage.
En appliquant ces conseils, vous éviterez la plupart des erreurs fréquentes et présenterez une offre financière à la fois conforme, compétitive et compréhensible par l’acheteur. Le BPU, le DQE et la DPGF deviendront alors des atouts pour démontrer votre professionnalisme, plutôt que des pièges administratifs. Bonne réponse aux appels d’offres !
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