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Dossier de la semaine : Appels d'offres publics et RGPD (Partie 2 les solutions)

Publié le 20 juin 2025

Rgpd marchés publics

Bienvenue dans ce deuxième volet de notre série dédiée aux marchés publics et à la protection des données personnelles ! Cette semaine, après avoir exploré les défis et les implications réglementaires, nous allons nous pencher sur les solutions concrètes et les précautions indispensables pour naviguer dans ce paysage complexe. Préparez-vous à découvrir comment transformer ce "casse-tête réglementaire" en une opportunité de renforcer la confiance et l'efficacité de la commande publique.

Gestion des données sensibles des candidats : précautions et obligations spécifiques

La gestion des données sensibles dans les appels d'offres publics représente un niveau de complexité supérieur, exigeant des précautions et des obligations spécifiques pour garantir la conformité au RGPD.

Quand un appel d'offres implique des données sensibles ?

Un appel d'offres public peut impliquer le traitement de données sensibles dans plusieurs scénarios, souvent liés à la nature des services ou des biens acquis :

  • Marchés de santé : L'acquisition de systèmes de gestion de dossiers médicaux, la mise en place de services de télémédecine, ou la délégation de prestations de soins impliquent nécessairement le traitement de données de santé, qui sont des données sensibles.  

  • Services sociaux : Les marchés pour la gestion de données de bénéficiaires d'aides sociales peuvent concerner des informations sensibles telles que les revenus, la situation familiale, ou des données de santé spécifiques.  

  • Recrutement : Qu'il s'agisse d'un marché pour le recrutement direct de personnel au sein de l'administration ou pour la prestation de services RH par une entreprise externe, des données sensibles peuvent être impliquées. Bien que le traitement de ces données soit en principe interdit, des exceptions existent. Par exemple, si un poste nécessite une évaluation de l'aptitude physique (comme pour un pilote ou un policier), des informations de santé peuvent être collectées. De même, une association à caractère politique ou religieux peut, sous certaines conditions, recruter sur la base d'opinions politiques ou de convictions religieuses si celles-ci sont intrinsèquement liées à la nature de la fonction.  

  • Systèmes de vidéosurveillance ou biométriques : Les marchés pour l'installation de systèmes de vidéoprotection (vidéosurveillance) ou de contrôle d'accès biométrique impliquent le traitement de données biométriques, qui sont des données sensibles.  

Le traitement de ces données sensibles est en principe interdit, sauf exceptions strictes prévues par l'article 9 du RGPD. Ces exceptions incluent le consentement explicite de la personne concernée, la nécessité pour des motifs d'intérêt public important (prévue par ou en vertu de la loi), la prise en charge sanitaire, la recherche scientifique, ou lorsque les données ont été manifestement rendues publiques par la personne concernée. Par exemple, un marché public pour la mise en place d'un système de gestion de données de santé dans un hôpital public peut être licite si le traitement est nécessaire pour la prise en charge sanitaire des patients et est fondé sur une mission d'intérêt public important.  

La convergence du traitement des données sensibles et de l'utilisation de technologies innovantes telles que la reconnaissance faciale ou l'intelligence artificielle constitue un défi émergent majeur. Ces deux facteurs sont des déclencheurs clés pour la réalisation obligatoire d'une Analyse d'Impact relative à la Protection des Données (AIPD). Les marchés publics intègrent de plus en plus ces technologies, comme en témoignent les projets de "smart cities" ou les systèmes de surveillance avancés. Cette dynamique signifie qu'un nombre croissant de futurs contrats publics impliqueront intrinsèquement un traitement de données sensibles à haut risque, exigeant une conformité encore plus rigoureuse dès le début du processus. Les acheteurs publics doivent donc développer une expertise spécialisée pour évaluer les implications en matière de vie privée des technologies émergentes dès la phase de passation de marché. Cela inclut une compréhension approfondie des risques spécifiques liés au traitement des données biométriques et de l'IA, et la garantie que le DCE impose explicitement les principes de "Privacy by Design" (protection des données dès la conception) et des mesures de sécurité robustes de la part des soumissionnaires potentiels. Une collaboration précoce avec les DPO (Délégués à la Protection des Données) et les experts en cybersécurité devient essentielle pour éviter des erreurs coûteuses et des contestations juridiques.  

Mesures de protection renforcées

La protection des données sensibles dans les marchés publics ne peut être assurée que par la mise en œuvre de mesures de protection renforcées, à la fois méthodologiques, contractuelles et techniques.

L'analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD/DPIA)

L'Analyse d'Impact relative à la Protection des Données (AIPD), également connue sous son acronyme anglais DPIA (Data Protection Impact Assessment), est un outil fondamental du RGPD. Elle est obligatoire pour tout traitement de données personnelles susceptible d'engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées.  

Une AIPD est spécifiquement requise pour les traitements impliquant :

  • La surveillance systématique et à grande échelle de personnes, comme la télésurveillance dans des espaces publics.  

  • La collecte de données sensibles ou relatives à des condamnations pénales à grande échelle.  

  • L'utilisation de technologies innovantes, telles que la reconnaissance faciale, l'intelligence artificielle ou les objets connectés.  

  • L'évaluation systématique et approfondie des aspects personnels des individus, comme le profilage ou la prise de décision automatisée ayant un impact significatif sur les personnes.  

L'AIPD joue un rôle crucial dans la construction d'un traitement conforme au RGPD et respectueux de la vie privée. Elle permet d'identifier et de minimiser les risques en amont, en évaluant la sensibilité des données, le contexte de leur collecte, la finalité du traitement et la vulnérabilité des supports de données. Le processus d'AIPD doit être mené par le responsable de traitement avant même le début de la collecte des données. Il comprend l'étude du contexte du traitement, l'analyse des mesures envisagées, l'identification des risques potentiels, la vérification de la manière dont ces risques seront traités, et la validation finale de l'analyse. Le Délégué à la Protection des Données (DPO) doit être consulté tout au long de ce processus. Bien que l'AIPD puisse être publiée pour renforcer la crédibilité de l'organisme , sa transmission à la CNIL n'est obligatoire qu'en cas de risque élevé résiduel, si la législation nationale l'exige, ou sur demande expresse de la CNIL.  

Clauses contractuelles spécifiques

Le contrat de marché public doit être le reflet précis des obligations RGPD, en particulier lorsqu'il implique un sous-traitant. Il doit impérativement inclure les mentions obligatoires listées aux articles 26 (pour les responsables conjoints) ou 28.3 (pour les sous-traitants) du RGPD. Ces mentions doivent définir de manière exhaustive : l'objet du traitement, sa durée, sa nature et sa finalité, le type de données à caractère personnel concernées, les catégories de personnes dont les données sont traitées, ainsi que les obligations et les droits du responsable de traitement.  

Il est crucial de ne pas se contenter d'un "clausier RGPD" type intégré systématiquement à chaque marché. Chaque marché est unique et nécessite une réflexion spécifique pour adapter les clauses RGPD à la situation particulière, aux données traitées et aux rôles des parties. Les contrats doivent également prévoir des clauses de confidentialité robustes pour protéger les secrets commerciaux et le savoir-faire des entreprises. Ils doivent en outre détailler les obligations de sécurité, telles que le chiffrement des données, la gestion des accès, et les procédures de notification en cas de violation de données.  

Par exemple, un contrat pour un service de maintenance informatique d'une base de données contenant des informations personnelles de citoyens devrait inclure une clause stipulant que le prestataire (sous-traitant) s'engage à chiffrer toutes les données sensibles, à restreindre l'accès au personnel habilité, et à notifier immédiatement l'autorité publique (responsable de traitement) en cas de violation de données, avec un délai maximal de 24 heures pour les informations initiales.

Mesures techniques et organisationnelles

La sécurisation des données dans les marchés publics repose sur la mise en œuvre de pratiques rigoureuses et de mesures techniques et organisationnelles conformes aux normes du RGPD. Parmi les mesures clés, on retrouve :  

  • Le chiffrement des données : Indispensable pour prévenir les accès non autorisés, en particulier pour les données sensibles.  

  • La pseudonymisation et l'anonymisation : Ces techniques consistent à remplacer les informations d'identification par des identifiants artificiels (pseudonymisation) ou à rendre l'identification impossible (anonymisation), réduisant ainsi les risques pour la vie privée.  

  • Le contrôle d'accès : Limiter l'accès aux données personnelles au seul personnel habilité et assurer une traçabilité des opérations effectuées sur ces données.  

  • Les audits réguliers : Des audits de sécurité réguliers sont essentiels pour évaluer l'efficacité des mesures mises en place et identifier les éventuelles vulnérabilités.  

  • La sécurité des infrastructures : Cela englobe la sécurisation des serveurs, des postes de travail, des communications (par l'utilisation du protocole HTTPS par exemple ), et des systèmes d'authentification.  

  • La gestion des incidents de sécurité : Des procédures claires doivent être établies pour détecter, gérer et notifier les violations de données dans les délais impartis, notamment dans les 72 heures à la CNIL en cas de risque élevé.  

Au-delà des aspects techniques, la formation du personnel et la sensibilisation sont primordiales. Il est crucial d'infuser une culture RGPD au sein de toutes les équipes (commerciales, RH, marketing, juridiques, etc.), car chaque salarié est susceptible de manipuler des données personnelles. Des actions de formation ciblées et régulières sont nécessaires pour garantir que chacun comprenne ses obligations et les bonnes pratiques à adopter.  

Enfin, le principe de minimisation des données doit être appliqué rigoureusement : seules les données strictement nécessaires à l'objectif poursuivi doivent être collectées. De même, la  limitation de la durée de conservation des données est une obligation fondamentale ; les données ne peuvent être conservées indéfiniment, mais pour une durée cohérente et justifiée par la finalité du traitement.  

Les mesures techniques, organisationnelles et contractuelles ne sont pas des entités isolées ; elles sont intrinsèquement liées et doivent se renforcer mutuellement. Des mesures techniques robustes (chiffrement, contrôle d'accès) et des mesures organisationnelles efficaces (formation du personnel, audits) doivent être explicitement reflétées et rendues exécutoires par des clauses contractuelles précises. Un contrat solide sans garanties techniques et organisationnelles concrètes est insuffisant, tout comme des mesures techniques avancées n'ont de sens que si elles sont adossées à des obligations contractuelles claires et à une responsabilisation des acteurs. Le concept de "Privacy by Design" illustre parfaitement cette interdépendance, exigeant que la protection des données soit intégrée dès la conception des systèmes et des processus, et que cela soit ensuite contractuellement imposé dans les marchés publics. Les acheteurs publics doivent donc s'assurer que leurs DCE et les contrats qui en découlent non seulement exigent des mesures techniques et organisationnelles spécifiques, mais incluent également des mécanismes de vérification de leur mise en œuvre et de leur efficacité continue, tels que des droits d'audit ou des rapports de sécurité réguliers de la part des prestataires. Cette approche globale, qui intègre les dimensions juridiques, techniques et organisationnelles, est la seule garante d'une conformité durable et d'une protection effective des données.  

Les pièges réglementaires et les sanctions : exemples concrets de non-conformité

Malgré un cadre réglementaire clair, la mise en conformité au RGPD dans les marchés publics est semée d'embûches, et les conséquences d'une non-conformité peuvent être sévères.

Défis communs pour les acteurs publics et privés

La conformité au RGPD, en particulier pour les entreprises du secteur numérique qui traitent de vastes volumes de données, représente un défi complexe et coûteux. Les acteurs publics et privés sont confrontés à plusieurs difficultés :  

  • Complexité de la veille juridique : Le RGPD est un texte évolutif, et la jurisprudence ainsi que les lignes directrices des autorités de contrôle (comme la CNIL) sont en constante évolution. Maintenir une veille juridique active est un défi, surtout pour les petites et moyennes structures.  

  • Gestion des consentements : Obtenir et gérer des consentements valides (libres, spécifiques, éclairés, univoques) est complexe, surtout lorsqu'il s'agit de données sensibles ou de prospection commerciale. La traçabilité des autorisations fournies par les utilisateurs est cruciale.  

  • Transferts de données hors UE : Le transfert de données personnelles en dehors de l'Union Européenne est soumis à des règles strictes, nécessitant des garanties suffisantes pour assurer un niveau de protection adéquat.  

  • Détection et notification des violations de données : Détecter rapidement les incidents de cybersécurité et déterminer s'ils constituent une violation de données réelle est un défi permanent. Le RGPD impose des délais stricts (72 heures pour la notification à la CNIL) , ce qui peut être difficile à respecter compte tenu de la complexité des enquêtes.  

La conformité au RGPD n'est pas un état statique, mais un processus continu qui exige une vigilance constante et une adaptation permanente. De nombreuses organisations, une fois les premières étapes de mise en conformité franchies, peuvent développer un faux sentiment de sécurité, négligeant les audits réguliers et la mise à jour des procédures. Or, les menaces cybernétiques évoluent constamment, et les incidents de sécurité peuvent survenir à tout moment, rendant la conformité une obligation continue plutôt qu'une tâche ponctuelle. Cette dynamique implique que les organisations doivent non seulement mettre en place des mesures initiales, mais aussi investir dans des mécanismes de suivi, d'évaluation et d'amélioration continue de leur posture de protection des données.  

B. Conséquences de la non-conformité

Le non-respect du RGPD peut entraîner des conséquences graves, tant sur le plan financier que réputationnel.

  • Sanctions financières : Les amendes peuvent être colossales. Pour les entreprises privées, elles peuvent atteindre jusqu'à 4% du chiffre d'affaires annuel mondial ou 20 millions d'euros, le montant le plus élevé étant retenu. Pour les organismes publics qui ne génèrent pas de chiffre d'affaires, les amendes peuvent s'élever jusqu'à 20 millions d'euros. Des injonctions sous astreinte (par exemple, 100 000 euros par jour de retard) peuvent également être prononcées.  

  • Atteinte à la réputation et perte de confiance : Au-delà des amendes, la non-conformité peut gravement nuire à l'image de marque d'une organisation, entraînant une perte de confiance des clients, des partenaires et même des talents. Une entreprise conforme au RGPD est perçue comme responsable et sécurisée, ce qui devient un avantage concurrentiel majeur pour attirer et fidéliser.  

Il est important de noter que la non-conformité au RGPD peut également servir de base juridique pour contester des marchés publics. Des entreprises non retenues dans un appel d'offres peuvent invoquer des manquements au RGPD de la part de l'attributaire ou du pouvoir adjudicateur pour demander l'annulation de l'attribution du contrat. Le Conseil d'État belge, par exemple, a déjà suspendu l'exécution d'une décision d'attribution en raison d'une vérification insuffisante de la conformité RGPD de l'offre de l'adjudicataire, notamment concernant des transferts internationaux de données. Cette situation souligne que la conformité RGPD n'est pas seulement une obligation légale, mais aussi un enjeu stratégique qui peut directement influencer l'issue des procédures de marchés publics.  

Optimiser la conformité et analyser les marchés publics avec Instao

Face à la complexité croissante des marchés publics et aux exigences rigoureuses du RGPD, les outils d'analyse et de gestion des marchés publics deviennent des alliés indispensables.

L'apport des outils d'analyse des marchés publics

Les plateformes spécialisées dans les marchés publics jouent un rôle crucial pour les entreprises et les entités publiques. Elles facilitent considérablement la recherche d'annonces , le téléchargement et l'analyse des Dossiers de Consultation des Entreprises (DCE) , ainsi que la préparation et la soumission des réponses aux appels d'offres. Ces outils permettent d'éviter de perdre du temps sur des marchés peu susceptibles d'être remportés et d'optimiser la qualité des réponses.  

Ces plateformes contribuent également à l'identification des exigences RGPD dans les DCE. En effet, elles peuvent aider à qualifier les marchés en mettant en lumière les détails importants liés à la protection des données. 

Instao : votre allié pour éviter les pièges réglementaires

Dans ce contexte de complexité réglementaire croissante, Instao se positionne comme un outil stratégique pour les acteurs des marchés publics. En offrant des capacités d'analyse approfondie des marchés publics , Instao permet aux entreprises et aux acheteurs d'anticiper les exigences de protection des données dès les premières phases du processus.  

Instao peut aider à :

  • Identifier les risques liés au RGPD : En analysant les DCE et les spécifications techniques, Instao peut mettre en évidence les marchés qui impliquent un traitement de données sensibles ou qui nécessitent une AIPD, permettant ainsi aux soumissionnaires d'évaluer la charge de conformité et aux acheteurs de s'assurer que leurs exigences sont claires et conformes.

  • Garantir la conformité des offres : L'outil peut aider à structurer les réponses aux appels d'offres en intégrant les clauses RGPD requises et en s'assurant que les mesures de protection des données proposées sont adéquates.

  • Éviter les écueils réglementaires : Grâce à une analyse fine des exigences du marché, Instao contribue à prévenir les erreurs de non-conformité qui pourraient entraîner des sanctions financières ou des litiges, comme le non-respect des bases légales, l'absence d'AIPD ou des clauses contractuelles insuffisantes.

  • Optimiser les chances de succès : En offrant une meilleure compréhension des attentes de l'acheteur en matière de protection des données, Instao permet de construire des offres plus pertinentes et plus compétitives, renforçant ainsi la confiance de l'acheteur dans la capacité du soumissionnaire à gérer les données de manière responsable.

En somme, Instao est un partenaire précieux pour naviguer le "casse-tête réglementaire" des appels d'offres publics et de la protection des données personnelles, transformant une contrainte en un avantage stratégique.