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Comprendre le vocabulaire avancé des marchés publics : Partie 1 les procédures

Publié le 6 août 2025

A. Avis d'Appel Public à la Concurrence (AAPC) ou Avis de Marché

 

L'Avis d'Appel Public à la Concurrence (AAPC), également connu sous le nom d'"avis de marché", est l'annonce officielle publiée par un acheteur public pour informer les candidats potentiels du lancement d'une procédure de passation de marché. Il marque le début formel du processus de mise en concurrence. Cet avis est le principal moyen de publicité, assurant la transparence et l'accès ouvert aux contrats publics. Il est important de souligner qu'il peut être émis sous forme électronique, reflétant ainsi la dématérialisation croissante des processus de commande publique.

L'AAPC constitue le point de départ formel de la mise en concurrence. Son contenu et ses modalités de publication sont strictement encadrés par le Code de la commande publique, même si les extraits ne précisent pas directement les articles. Par exemple, une collectivité territoriale souhaitant construire une nouvelle bibliothèque publiera un AAPC dans le Bulletin Officiel des Annonces des Marchés Publics (BOAMP) et/ou au Journal Officiel de l'Union Européenne (JOUE) si les seuils européens sont atteints. Cet avis détaillera l'objet du marché, les délais de remise des offres et les principales conditions de participation.

Le passage à la publication électronique des AAPC et l'existence de plateformes telles que les "Profils d'acheteurs" signalent une tendance fondamentale vers la dématérialisation et l'accessibilité accrue dans la commande publique. Il ne s'agit pas d'une simple commodité administrative, mais d'une démarche stratégique visant à élargir le bassin de candidats potentiels, y compris les petites et moyennes entreprises (PME), et à rationaliser les étapes initiales du processus de soumission. Cette orientation est également illustrée par l'évolution du dispositif Marché Public Simplifié (MPS) vers le Document Unique de Marché Européen (DUME). L'objectif sous-jacent est de moderniser l'administration publique et de favoriser un marché unique plus compétitif.

 

B. Accord-Cadre et Marchés Subséquents

 

Un Accord-Cadre est un contrat qui permet à un acheteur public de sélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques sur la base d'un cahier des charges, sans définir immédiatement toutes les quantités ou dates spécifiques. Ces opérateurs sélectionnés sont ensuite remis en concurrence, soit périodiquement, soit lorsqu'un besoin précis survient, par l'attribution de "marchés subséquents". L'accord-cadre fonctionne comme un instrument de planification de la commande publique, structurant les commandes futures sur une période donnée pour des prestations déterminées.

Juridiquement, l'accord-cadre ne constitue pas un marché public en soi, mais un cadre contractuel qui engage l'acheteur à passer des marchés auprès de ses titulaires. Les marchés subséquents, passés en exécution de l'accord-cadre, sont les véritables marchés publics. Le Code de la commande publique encadre strictement les modalités de passation et d'exécution de ces accords, notamment l'article R2191-17 concernant les avances sur les accords-cadres à bons de commande. À titre d'exemple, une administration peut conclure un accord-cadre avec plusieurs entreprises de services informatiques pour une durée de quatre ans. Lorsqu'elle a besoin d'une prestation spécifique, comme le développement d'une application, elle lance une "mini-mise en concurrence" (marché subséquent) entre les titulaires de l'accord-cadre pour obtenir la meilleure offre pour ce besoin précis.

L'utilisation de l'Accord-Cadre marque une orientation stratégique dans la commande publique vers la flexibilité et la gestion des relations à long terme. Plutôt que des contrats rigides et ponctuels, les acheteurs peuvent s'adapter aux besoins évolutifs et aux conditions du marché sans avoir à répéter des procédures d'appel d'offres complètes. Cette approche implique une reconnaissance du fait que, pour les besoins récurrents ou évolutifs, un cadre contractuel améliore l'efficacité et peut potentiellement favoriser de meilleures relations avec les fournisseurs sur la durée.

 

C. Marché à Procédure Adaptée (MAPA)

 

Un Marché à Procédure Adaptée (MAPA) est une procédure de passation dont les règles sont librement adaptées par le pouvoir adjudicateur, à condition que le montant du marché soit inférieur à des seuils spécifiques définis par le Code de la commande publique. Bien que flexible, cette procédure exige tout de même une publication dans un journal d'annonces légales pour les montants dépassant un certain seuil, par exemple 90 000 € HT.

La souplesse du MAPA est encadrée par l'obligation pour l'acheteur de définir une procédure adaptée aux caractéristiques du besoin et au montant du marché, tout en respectant les principes fondamentaux de la commande publique : liberté d'accès, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures. En procédure adaptée, l'acheteur doit adapter sa publicité à l'objet et au montant du contrat. Par exemple, une petite commune souhaitant acquérir du matériel de bureau pour 50 000 € HT peut recourir à un MAPA. Elle pourrait, dans ce cadre, solliciter trois devis auprès de fournisseurs locaux et choisir l'offre la plus avantageuse sans passer par un appel d'offres formel, tout en veillant à une publicité adaptée (par exemple, sur son site internet ou par un affichage local) si le montant le justifie.

L'existence du MAPA met en lumière une intention réglementaire de concilier les principes de la commande publique (transparence, concurrence) avec l'efficacité administrative et la proportionnalité. Pour les contrats de moindre valeur, la rigueur totale des procédures formalisées serait disproportionnée par rapport à l'enjeu financier, créant des charges inutiles tant pour les acheteurs que pour les entreprises. Le MAPA permet ainsi un processus simplifié, favorisant la participation économique locale tout en maintenant les principes juridiques fondamentaux.

 

D. Dialogue Compétitif : Conditions de Recours et Déroulement

 

Le Dialogue Compétitif est une procédure formalisée par laquelle l'acheteur public engage un dialogue structuré avec les candidats admis à participer, dans le but de définir ou de développer des solutions répondant au mieux à ses besoins, avant de les inviter à soumettre leurs offres finales.

Les conditions de recours à cette procédure sont spécifiques et détaillées à l'article R. 2124-3 du Code de la commande publique. Elles incluent les situations où :

  • Le besoin de l'acheteur ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles.

  • Le marché comporte des prestations de conception.

  • Le marché ne peut être attribué sans négociation préalable en raison de sa nature, de sa complexité, de son montage juridique et financier, ou des risques qui s'y rattachent.

  • Le besoin implique une solution innovante, c'est-à-dire des types nouveaux de prestations ou des prestations existantes susceptibles d'être optimisées.

  • Les offres initiales sont inacceptables, notamment si le prix excède le budget alloué au projet.

Le déroulement de la procédure implique que l'acheteur publie un avis et sélectionne les candidats sur la base de critères objectifs et non discriminatoires. Une phase de dialogue est ensuite menée avec les candidats sélectionnés, garantissant l'égalité de traitement et la confidentialité des propositions. Ce dialogue se poursuit jusqu'à ce que l'acheteur soit en mesure d'identifier la ou les solutions appropriées. Une fois les solutions définies, les candidats sont invités à remettre leurs offres finales. Le critère d'attribution doit impérativement être celui de l'"offre économiquement la plus avantageuse" (OEPA). Cette procédure est encadrée par les articles L.2124-4 et R. 2161-4 à R. 2161-31 du Code de la commande publique.

À titre d'exemple, une ville souhaite construire un nouveau centre aquatique intégrant des fonctionnalités écologiques innovantes, telles que la récupération des eaux de pluie et la production d'énergie solaire. Les solutions techniques et financières pour un tel projet ne sont pas standardisées. La ville lancera un dialogue compétitif pour discuter avec des entreprises spécialisées des différentes approches possibles, des technologies à intégrer et des montages financiers, avant de recevoir leurs offres finales.

Le dialogue compétitif est une innovation procédurale conçue pour répondre aux situations de grande complexité et d'incertitude, en particulier lorsque l'acheteur public ne peut pas définir précisément ses besoins ou les solutions techniques dès le départ. Cela représente une approche mature de la commande publique, dépassant la simple acquisition de biens ou services "sur étagère" pour s'orienter vers un processus collaboratif de co-création et de résolution de problèmes avec le marché.

Un exemple jurisprudentiel notable est celui où le Conseil d'État a invalidé une procédure de dialogue compétitif lancée par Météo France pour une installation d'observation du vent ("Lidar Doppler"). Le juge a estimé que l'acheteur avait imposé une solution technique innovante pré-identifiée, ce qui ne laissait pas de place à un véritable dialogue sur les solutions et vidait la procédure de sa substance. Cette décision souligne une nuance essentielle : bien que le dialogue compétitif offre une flexibilité, il ne permet pas à l'acheteur public de prédéterminer ou d'imposer une solution spécifique dès le départ. Le dialogue doit être authentique, permettant à diverses solutions d'émerger des candidats. Cela met en évidence l'engagement judiciaire à préserver la nature concurrentielle et la finalité du dialogue, même dans des scénarios complexes.

 

E. Marché de Partenariat (PPP) : Définition et Cadre Juridique

 

Un Marché de Partenariat est un contrat public qui vise à confier à un opérateur économique ou à un groupement d'opérateurs une mission globale. Cette mission comprend généralement la conception, la construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement ou la destruction d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires à un service public. Une caractéristique essentielle de ce type de marché est la capacité à mobiliser des capitaux privés et à partager les risques entre l'acheteur public et le cocontractant.

Juridiquement, les marchés de partenariat sont régis par le Code de la commande publique (notamment l'article L. 1112-1 et les articles L2211-1 à L2211-4). Ils impliquent généralement des engagements à long terme et une part significative des risques assumée par le partenaire privé.

Le recours à un marché de partenariat est soumis à des conditions strictes :

  • L'autorité contractante doit être un acheteur autorisé.

  • Le coût du projet doit dépasser des seuils spécifiques.

  • Une évaluation préalable des modes de réalisation doit être menée et validée par Fin-Infra.

  • Une étude de soutenabilité budgétaire doit être réalisée et validée par la Direction du Budget (pour les projets de l'État) ou la DDFIP (pour les collectivités territoriales).

  • La condition primordiale est désormais l'existence d'un bilan plus favorable des avantages et des inconvénients par rapport à d'autres méthodes de passation. Les anciennes conditions d'urgence et de complexité ne sont plus des justifications autonomes.

À titre d'exemple, la construction et la maintenance d'un nouvel hôpital public sur 30 ans peut être confiée via un marché de partenariat. Ce contrat attribuerait à une entreprise privée la conception, le financement, la construction de l'établissement, ainsi que sa maintenance et la gestion de services non médicaux (comme la restauration ou le nettoyage) sur toute la durée du contrat, en contrepartie d'une rémunération échelonnée versée par la personne publique.

L'évolution des conditions de recours aux Marchés de Partenariat , passant de déclencheurs spécifiques comme l'urgence ou la complexité à une évaluation plus large d'un "bilan plus favorable des avantages et des inconvénients", témoigne d'une maturation de la politique publique en matière de Partenariats Public-Privé. Ce changement reflète une approche plus pragmatique et globale, qui privilégie la valeur globale et l'efficacité du projet plutôt que des critères procéduraux rigides. Cela indique une plus grande volonté de tirer parti du financement et de l'expertise du secteur privé lorsque cela bénéficie de manière démontrable à l'intérêt public.